Le préjudice esthétique temporaire (PET), classé dans la catégorie des préjudices extrapatrimoniaux temporaires, est un poste de préjudice désormais admis tant par la nomenclature Dintilhac que par la jurisprudence[1]. Ce PET, préjudice considéré comme autonome et indépendant des autres postes de préjudice[2], doit être indemnisé séparément, sans être inclus dans le déficit fonctionnel temporaire ou confondu, bien sûr, avec le préjudice esthétique permanent ou encore les souffrances endurées.
La nomenclature Dintilhac définit le PET comme « l’altération de l’apparence physique, certes temporaire, aux conséquences personnelles très préjudiciables, liées à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers. » En tant que préjudice temporaire, le PET correspond à « l’altération de l’apparence de la victime avant la date de la consolidation de son état de santé »[3] et désigne par conséquent un préjudice qui a vocation a s’atténuer voire à disparaître avec le temps.
De manière évidente, le PET indemnise les grands brûlés, les traumatisés de la face, les cicatrices, hématomes, plâtres, port d’appareillages de rééducation… Dans ces situations, le PET est largement admis car l’altération de l’apparence physique est évidente.
Il est plus difficilement admis par les experts judiciaires et encore plus par les médecins-conseil des compagnies d’assurance lorsque l’altération de l’apparence physique n’est pas consécutive à une blessure, une plaie ou le port d’appareillages. C’est précisément le cas lorsqu’une personne est alitée à l’hôpital. Cette présentation aux yeux des tiers, dont ne peut contester qu’elle rend compte d’une apparence corporelle diminuée, peut-elle être constitutive d’un préjudice esthétique temporaire ? En effet, une victime peut souffrir d’avoir à se présenter aux yeux des tiers, alité dans une chambre d’hôpital, sous une apparence indéniablement diminuée qui plus est aux yeux des personnes proches qui lui rendent visite.
La jurisprudence commence petit à petit à admettre que l’alitement à l’hôpital peut être réparé au titre d’un PET. Par exemple, la Cour administrative de Lyon a récemment jugé qu’une personne souffrait d’un PET du fait qu’elle se trouvait alitée et intubée[4]. Il semble alors que l’altération de l’apparence physique est due à l’alitement corrélée à l’intubation. Mais la Cour d’appel de Grenoble est allée plus loin en jugeant qu’une personne alitée pendant 15 jours puis ensuite dans l’obligation de se déplacer avec une canne souffrait d’un PET[5]. Il semble ici que l’alitement en lui-même a été retenu comme un PET puisque la Cour d’appel évoque d’abord l’alitement et ensuite le port d’une canne, et non les deux simultanément.
Une reconnaissance franche de l’alitement comme constitutive d’un PET serait heureuse tant elle rend compte de la dimension subjective du préjudice esthétique temporaire qui ne se matérialise pas nécessairement par une atteinte corporelle de la personne mais par la dégradation de sa présentation aux yeux des tiers du fait de l’environnement hospitalier et de ses contraintes (port d’une casaque d’hôpital, alitement obligatoire).
Rédigé avec l’aide d’Illona David, stagiaire.
[1] Exemple : Cass., Civ., 2è, 7 mars 2019, Bull, n° 17-25855 ; CAA, Paris, 3è chambre, 18 février 2021, n°20PA01740
[2] Cass. 2e civ., 4 févr. 2016, no 10-23378, Cass., Civ., 2ème, 7 mars 2019, Bull, n° 17-25855
[3] Cass., Civ., 2è, 7 mars 2019, Bull, n° 17-25855
[4] CAA, Lyon, 6è chambre, 25 fév. 2021, n° 19LY03380
[5] CA, Grenoble, 2è chambre civile, 15 déc. 2020, n°18/02232