Le 4 février 2019, Me Rachet-Darfeuille a participé à l’émission Ensemble, c’est mieux ! de France 3 Pays de Loire animée par Ahlam Nassair. Son intervention portait sur le Dossier Médical Partagé (DMP). Il s’agit d’un carnet de santé numérique dans lequel sont conservées ses données de santé : traitements, résultats d’examens, allergies… Le patient choisit les professionnels de santé avec lesquels il accepte de partager ses données. Il peut masquer certaines données (sauf pour son médecin traitant). Pour en savoir plus, consultez le site dédié au dossier médical partagé.
Quand le Juge choisit le traitement le plus approprié
Télécharger la version PDF. Lettre d’information septembre 2017
Aux termes d’un arrêt rendu cet été par le Conseil d’état (CE, Juge des référés, 26 juillet 2017, 412618), la plus haute juridiction administrative s’est prononcée sur l’opportunité d’administrer un traitement médical plutôt qu’un autre.
Un enfant de 10 ans en rémission d’une leucémie aiguë, a contracté une encéphalite-herpétique en mai 2016, pathologie ayant provoqué de graves séquelles neurologiques.
Une récidive de la leucémie a été diagnostiquée en juin 2017.
Les médecins, compte tenu de l’état de santé altéré de l’enfant et du pronostic défavorable, ont décidé de mettre en place une chimiothérapie palliative, estimant que la chimiothérapie curative n’était pas adaptée.
Les parents de l’enfant s’opposant à cette décision, ont demandé la mise en place de la chimiothérapie curative.
S’étant vu opposé un refus de la part de l’établissement hospitalier, ils ont alors sollicité du Juge des référés du Tribunal administratif, entre autres demandes, qu’il juge que cette décision de refus constituait une atteinte grave et manifestement illégale à une ou plusieurs libertés fondamentales et qu’il ordonne en conséquence la mise en place, sous astreinte, du traitement de chimiothérapie curative.
Les parents ont porté le contentieux devant le Conseil d’Etat, le Juge des référés les ayant déboutés de l’ensemble de leur demande.
Aux termes de son arrêt, le Conseil d’Etat a confirmé la décision du Juge des référés.
Il considère que la chimiothérapie curative « ne constituait pas le traitement le plus approprié, compte tenu de la très forte probabilité de son inutilité, d’une part, et des grandes souffrances ainsi que des risques élevés qu’il entraînerait ».
Pour aboutir à cette conclusion, le Conseil d’Etat s’appuie sur « l’appréciation comparée, par les médecins du CHU de Montpellier, des bénéfices escomptés des deux stratégies thérapeutiques en débat ainsi que des risques, en particulier vitaux, qui y sont attachés ».
Puis, il procède à une véritable analyse de la balance risque/bénéfice, retenant trois arguments démontrant le caractère non adapté de la chimiothérapie curative.
Le premier élément porte sur la dangerosité du traitement : « le traitement est contre-indiqué, compte tenu des séquelles neurologiques de l’encéphalite herpétique dont a souffert (l’enfant) et des effets délétères des produits neurotoxiques qui devraient lui être injectés ».
Puis, le Conseil d’Etat examine la faisabilité du traitement au regard de la capacité du patient à le suivre : « l’état d’agitation du patient rend techniquement difficile, eu égard au risque d’arrachage des perfusions et de nécroses cutanées subséquentes, la réalisation d’un traitement intensif dont l’efficacité suppose qu’il soit mené jusqu’à son terme ».
Enfin, le troisième argument conduisant le Conseil d’Etat à approuver le choix des médecins porte sur l’intérêt du traitement et ses chances de succès.
En effet, la juridiction retient que « l’objectif poursuivi par ce traitement, qui consiste en la réalisation d’une allogreffe de moelle (osseuse) en cas de rémission complète, n’est en tout état de cause pas susceptible d’être atteint ».
A l’appui d’une analyse rigoureuse, le Conseil d’Etat a conclu que la mise en œuvre d’une chimiothérapie curative comportait des risques importants, était difficilement réalisable et avait peu de chance de succès.
Le Conseil d’Etat a, en fait, décelé l’existence d’une obstination déraisonnable définie par l’article L1110-5-1 du Code de la santé publique, laquelle interdit de mettre en œuvre des soins disproportionnés et inutiles.
C’est pourtant sur le terrain du consentement que la haute juridiction va se placer estimant que « ces dispositions ni aucune autre ne consacrent, au profit du patient, un droit de choisir son traitement ».
Le Conseil d’Etat rappelle donc que le patient dispose d’un droit à recevoir le traitement le plus approprié et que le consentement qu’il donne aux soins lui permet seulement de refuser des soins et non pas d’imposer à son médecin la réalisation d’un traitement particulier.
Mes RACHET- DARFEUILLE & THELOT
La disparition d’une éventualité favorable pour le patient est une perte de chance
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Il est acquis qu’un préjudice doit être certain, pour être réparable.
Dès lors, un dommage considéré comme éventuel ne saurait être réparé.
Toutefois, depuis un arrêt de décembre 1965, la Cour de cassation a consacré une notion intermédiaire, celle de « perte de chance » (ccass, 1ère ch.civ, 14 décembre 1965), qui s’est, par la suite, imposée en droit médical.
Relevant du domaine de la probabilité, la notion de « perte de chance » est invoquée chaque fois que le dommage a fait disparaître une probabilité qu’un évènement positif pour la victime se réalise.
Depuis 1965, la Haute juridiction de l’ordre judiciaire ne cesse de faire des rappels de la définition de perte de chance.
C’est notamment l’objet de l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation du 22 juin 2017.
Par cette décision, la Cour de cassation rappelle que la perte de chance est réparable dès lors qu’elle a pour origine une faute ayant eu des conséquences sur l’état de santé du patient et a entraîné la disparition d’une éventualité favorable.
En l’espèce, après avoir admis l’existence d’une faute de la clinique due à l’intervention tardive d’un gynécologue obstétricien ayant procédé en urgence à une césarienne, la Cour d’appel de Grenoble retenait que « seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité ».
Dès lors, en n’apportant pas la preuve absolue qu’une intervention plus précoce de l’obstétricien aurait été de nature à réduire les séquelles subies par leur enfant, les parents n’étaient pas fondés à demander réparation de leur perte de chance.
Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation qui précise :
«qu’une perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable, de sorte que sa réparation ne peut être écartée que s’il peut être tenu pour certain que la faute n’a pas eu de conséquence sur l’état de santé du patient ».
Ce rappel de la Cour de cassation est à saluer dans la mesure où certaines juridictions du fond ont encore tendance à adopter une définition restrictive de la perte de chance exigeant que soit rapportée la preuve de la certitude (et non l’éventualité) de la disparition d’une option thérapeutique favorable au patient.
Me SIRGANT
Barèmes et algorithmes aux commandes de l’indemnisation du préjudice corporel
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Le 13 mars 2017, le Garde des sceaux a présenté le projet de réforme de la responsabilité civile.
Celui-ci, qui intervient dans le prolongement de la réforme des contrats, prévoit une partie spécifiquement consacrée à l’indemnisation du préjudice corporel au sein de laquelle apparaitrait une sous-section intitulée « Règles particulières à la réparation des préjudices résultant d’un dommage corporel ».
Le projet d’article 1269 prévoit que « les préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux résultant d’un dommage corporel sont déterminés, poste par poste, suivant une nomenclature non limitative des postes de préjudices fixée par décret en Conseil d’Etat ».
Cet article intégrerait à la loi le principe jurisprudentiel de l’indemnisation des préjudices poste par poste et on peut raisonnablement imaginer que la nomenclature visée ici sera celle élaborée par le groupe de travail DINTILHAC.
Reste à savoir si le décret envisagé se fondera sur cette nomenclature préexistante ou si une nouvelle description des préjudices sera proposée, intégrant les précisions que la jurisprudence a peu à peu ajoutées à la nomenclature originelle.
« une réelle volonté d’harmoniser les outils aujourd’hui utilisés »
Le projet de réforme se prononce également sur les outils que les magistrats devront utiliser pour chiffrer les préjudices corporels.
Le projet d’article 1270 indique ainsi que l’évaluation du déficit fonctionnel permanent se fera au moyen d’un « barème médical unique, indicatif, dont les modalités d’élaboration, de révision et de publication sont déterminées par voies règlementaire ».
Il existe déjà un barème de ce type en annexe du Code de la santé publique, cependant, son utilisation de manière systématique n’est aujourd’hui assurée par aucun texte.
Plusieurs autres barèmes ont donc vu le jour, conçus par des assureurs, des médecins-experts, les juridictions ou des associations de victimes, chacun utilisant des algorithmes de calcul plus ou moins opaques mais propres à favoriser telle ou telle partie du procès en réparation du préjudice corporel.
De ce fait, nul doute que les modalités d’élaboration de ce nouveau barème unique donneront lieu à des débats houleux !
L’article 1271 à venir prévoit que l’indemnisation des postes de préjudices extrapatrimoniaux se fera au moyen « d’un référentiel indicatif d’indemnisation (qui) sera réévalué tous les trois ans en fonction de l’évolution de la moyenne des indemnités accordées par les juridictions ».
« Le risque d’un « lissage » des indemnisations est donc réel »
Afin de réaliser ce référentiel, sera créée une base de données rassemblant les décisions définitives rendues par les Cours d’appel en matière d’indemnisation du dommage corporel des victimes d’accident de la circulation.
Ce discret article laisse à penser que le législateur prévoit l’utilisation des algorithmes d’aide à la décision judiciaire. Certains sont actuellement en test auprès de Barreaux ou de juridictions.
Leurs concepteurs nous expliquent qu’ils seront capables non seulement de colliger intelligemment des milliers de décision mais aussi de les analyser de telle sorte qu’ils seront capables de « prédire » le sens des futures décisions.
Le risque d’un « lissage » des indemnisations est donc réel, le texte proposant déjà de fixer ce référentiel à partir d’une moyenne.
Le projet d’article 1272 prévoit quant à lui que l’indemnisation due au titre de la perte de gains professionnels, de la perte de revenus des proches ou de l’assistance d’une tierce personne aura lieu de principe sous forme de rente.
L’indemnisation pourra également se faire sous forme de capital, avec l’accord des parties ou sur décision spécialement motivée.
Ces dispositions ne sont pas favorables aux victimes qui, dans le cas où leurs préjudices seront faibles ou moyens, ne pourront bénéficier que d’une rente de quelques dizaines ou centaines d’euros là où, auparavant, ils pouvaient bénéficier d’un capital dont le réemploi est plus facile qu’une petite somme mensuelle.
Il ressort de ce projet de loi une réelle volonté d’harmoniser les outils aujourd’hui utilisés par les acteurs de l’indemnisation du préjudice corporel.
Cependant, l’inscription de ces référentiels et barèmes dans la loi est malaisée à combiner avec le principe de la réparation intégrale des préjudices, tant l’utilisation d’un barème est difficilement compatible avec l’évaluation singulière des préjudices de chacun.
Ce projet porté par le gouvernement précédent, n’est à ce jour pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale mais tous les indicateurs tendent à démontrer que sa méthode sera reprise lors de la prochaine législature.
Mes RACHET- DARFEUILLE & THELOT