Il arrive que postérieurement à l’indemnisation d’une victime (que celle-ci intervienne par la voie amiable ou par la voie judiciaire), son état de santé s’aggrave alors même qu’elle a déjà atteint une date de consolidation.
Afin d’obtenir réparation de ce nouvel épisode préjudiciable, la victime doit présenter une nouvelle demande indemnitaire, qui ne pourra être satisfaite qu’à la condition qu’elle ne se heurte pas au principe de la chose jugée. On rappellera en effet, que si un jugement a été rendu ou une transaction définitive a été signée entre la victime et le payeur de l’indemnisation, ceux-ci, en principe, éteignent toute possibilité pour la victime d’obtenir une nouvelle indemnisation.
La jurisprudence a distingué trois types d’aggravation : celle du dommage, celle du préjudice ou celle de l’aggravation dite « situationnelle ».
L’aggravation du dommage désigne la situation dans laquelle survient un nouveau dommage corporel différent de ceux qui existaient lors de la première indemnisation de la victime. Elle désigne aussi l’évolution péjorative de l’état de santé de la victime alors même que son état de santé ou ses blessures ont, dans un premier temps, été consolidés.
Dans ces situations de dommages nouveaux, ceux-ci pourront faire l’objet d’une nouvelle réparation, à condition cependant que la victime établisse le lien de causalité entre cette nouvelle évolution de son état de santé et le dommage initial.
Un dommage nouveau peut également être indemnisé lorsque la victime subit des accidents successifs.
Ainsi, l’assureur du responsable d’un accident de la circulation, a été condamné à indemniser le dommage qui avait été imputé à une transfusion sanguine liée aux soins rendus nécessaires à la suite de cet accident. Cette indemnisation liée à la transfusion sanguine avait été évaluée à 30% de DFP alors même que la victime avait déjà été indemnisée au titre des premières conséquences fonctionnelles de l’accident à hauteur de 85% de DFP.
La jurisprudence a pu également considérer qu’un deuxième accident blessant le même membre pour la seconde fois, a pu aggraver l’état séquellaire de la victime, l’antécédent de la première fracture ayant créé un état fragilisé qui a rendu la convalescence de la deuxième fracture plus complexe. On peut envisager également qu’une aggravation du dommage puisse résulter, le temps avançant, d’une augmentation du déficit fonctionnel de la victime.
L’aggravation du préjudice de la victime désigne la situation dans laquelle la victime voit un de ses postes de préjudices, qui a déjà été réparé par la première liquidation, s’aggraver. On peut penser notamment à la situation dans laquelle l’aggravation de l’état de santé de la victime, au fil du temps, finit par l’obliger à diminuer voir même à cesser son activité professionnelle, sa nouvelle activité entrainant une perte de revenus qui n’avait pas été encourue lors de la première liquidation de ses préjudices.
La difficulté à laquelle se heurtera cette demande, résidera essentiellement dans l’obligation pour la victime de démontrer que cette nouvelle aggravation n’a pas été déjà indemnisée lors du premier règlement indemnitaire.
Un dernier type d’aggravation peut être indemnisé, il s’agit d’une aggravation dite « situationnelle ».
Ce type particulier d’aggravation désigne la situation dans laquelle l’environnement de la victime n’est plus adapté à son état de santé. Elle a été dégagée par un arrêt de la Cour de cassation du 19 février 2004, qui a eu à trancher la question d’une aggravation situationnelle encourue par la victime d’un accident de la circulation à la suite duquel elle avait dû être amputée. Quelques années plus tard, cette jeune femme, célibataire lors de l’accident, est devenue mère de deux enfants. Son handicap rendait nécessaire l’assistance par une tierce personne, complémentaire à celle dont elle bénéficiait déjà, pour pouvoir s’occuper de ses deux jeunes enfants.
Contrairement à la Cour d’Appel, la Cour de cassation a jugé que ce préjudice était nouveau et indépendant de l’état séquellaire de la victime (son état physique ne s’était pas aggravé). Dès lors, il ne se heurtait pas à l’autorité de la chose jugée et pouvait être indemnisé.
Que l’aggravation soit « situationnelle », qu’elle concerne le préjudice ou le dommage de la victime, une nouvelle demande indemnitaire devra lever trois obstacles : l’autorité de la chose jugée, l’absence de causalité entre l’aggravation et le dommage initial et enfin que l’aggravation alléguée ne soit pas, en réalité, un préjudice oublié lors de la première indemnisation.
Pour aller plus loin : Réparation du préjudice corporel, Gisèle Mor et Laurence Clerc-Renaud, Ed.2021-2022, Delmas